Acceptabilité sociale des projets immobiliers : un changement de donne imminent
En juin 2022, la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, Mme Andrée Laforest, et sa collègue de la Culture et des Communications, Mme Nathalie Roy, ont dévoilé la toute première Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire (PNAAT) du Québec.
Fondée sur une vision stratégique misant sur un développement durable de l’aménagement et sur une culture de la qualité en matière d'architecture, la PNAAT entend innover dans les façons de bâtir, transformer les espaces urbains en milieux de vie attractifs, faciliter un meilleur accès à la nature ainsi qu'aux cours d'eau, et développer le plein potentiel du Québec dans une perspective de durabilité.
Présentée dans le document Mieux bâtir et habiter notre territoire, la vingtaine d’actions proposées par le gouvernement s’articule sur quatre axes, soit :
des milieux de vie de qualité répondant aux besoins de la population;
un aménagement préservant et mettant en valeur les milieux naturels et le territoire agricole;
des communautés dynamiques et authentiques partout au Québec;
un plus grand souci du territoire et de l'architecture dans l'action publique.
Un plan de mise en oeuvre très attendu
Le gouvernement doit faire connaître incessamment le plan de mise en œuvre de la PNAAT, mais il est d’ores et déjà acquis qu’il précisera « les modalités du renouvellement du cadre d’aménagement » impliquant « l’adoption de nouvelles orientations » qui viseront à « soutenir la création de milieux de vie de qualité, complets et durables, renforcer la préservation des milieux naturels et du territoire agricole ainsi que la lutte contre les changements climatiques, en plus de favoriser le dynamisme, la vitalité économique et l’authenticité des collectivités ».
Pour ce faire, le gouvernement misera entre autres sur des « pratiques optimales (qui) font une place importante à l’initiative, à l’innovation, à la saine émulation, à la participation et à l’éducation citoyennes ainsi qu’à la prise en compte des particularités des différents territoires ».
L’incontournable acceptabilité sociale
La vision stratégique réitère d’ailleurs de façon claire et non équivoque que « la participation des citoyennes et des citoyens, tant en architecture qu’en aménagement du territoire, est essentielle à l’acceptabilité sociale des projets qui façonnent leur environnement et qui auront des répercussions sur leur vie ainsi que sur celle des générations qui les suivront ».
Bien au-delà des discussions et des débats animés que la PNAAT suscite sur l’étalement urbain et la densification, les développeurs immobiliers doivent prendre acte et surtout accepter que la donne en matière d’acceptabilité sociale de leurs projets est sur le point de changer radicalement.
Un cadre de référence pour tout le monde
En effet, les grands principes énoncés dans le document rendu public en juin dernier, de même que les orientations et les modalités qui seront annoncées au printemps prochain, serviront de « cadre de référence pour toutes les municipalités du Québec », dixit la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.
Les mots n’étant pas innocents, il est utile de rappeler que le Thésaurus de l’activité gouvernementale du Portail Québec définit un cadre de référence comme un « ensemble de structures organisationnelles, de concepts, de méthodes, de règles et de procédures ».
En pratique, ce sont aussi des principes directeurs, des buts, des cibles, des normes et des critères d’évaluation.
Puisque le principal objectif de la PNAAT est d’aménager et de bâtir des milieux de vie en tenant compte des réalités contemporaines, des particularités régionales ainsi que des besoins des Québécoises et des Québécois, le gouvernement s’attend à ce que les décisions et les actions qui seront prises « par chaque partie prenante » aient « un effet positif direct sur la qualité de nos milieux de vie, la vitalité de notre économie, notre santé, notre mieux-être, notre culture, notre patrimoine ainsi que nos modes de consommation et de déplacement ».
De toute évidence, les exigences de dialogue, de consultation publique et de participation citoyenne vont indéniablement s’accentuer avec la mise en œuvre de la PNAAT.
L’importance primordiale de l’amont
Le corollaire de cette intensification est la nécessité, voire l’obligation d’amorcer toute démarche d’acceptabilité sociale le plus en amont possible du cheminement d’un projet.
En pratique, ceci signifie qu’il faudra désormais prendre en compte les exigences de participation publique dès l’étape de la conception d’un projet, soit bien avant l’anticipation des risques, des enjeux et des préoccupations des parties prenantes et des citoyens.
En clair, les développeurs devront faire appel à l’intelligence collective dès leurs réflexions préalables à la définition même de leurs projets.
La PNAAT augure donc d’une véritable révolution susceptible d’éliminer implacablement les organisations qui s’entêteront à avoir recours aux approches et aux moyens de communication classiques pour tenter d’atteindre l’acceptabilité sociale ou pis encore, qui s’échineront à trouver des expédients fictifs pour y arriver.